Rethinking the Divide: The Natural and the Artificial in Contemporary Jewellery (1/3). Spotlight Artworks by Klimt02

Pourquoi oppose-t-on toujours le naturel et l’artificiel?

Pensés comme des opposés, les mots naturel (phusis) et artificiel (technê) évoquent des réalités perçues intuitivement comme incompatibles. Le naturel renvoie à ce qui existe sans intervention humaine, ce qui découle directement de la vie, du vivant, et des lois de la nature. À l’inverse, l’artificiel désigne ce qui est produit par l’ingéniosité humaine : fabriqué, façonné, transformé, souvent considéré comme « contre-nature ». Cependant, cette polarité, si évidente dans le langage quotidien, mérite d’être interrogée. 

Dans ce Spotlight, divisé en trois parties, nous explorerons à travers le prisme du bijou contemporain ce dialogue ambigu entre le naturel et l'artificiel. À travers une sélection d'artistes et de pièces, nous proposerons une réflexion sur la manière dont ces deux notions se croisent, se métamorphosent et s’interpénètrent.



Partie I: La Reproduction de la Nature par la Main Créatrice

Aristote, dans La Physique, est l’un des premiers à théoriser que l'art imite la nature. Il emploie le terme grec technê pour définir l’art comme une technique productrice, par opposition à l’ars latin, qui évoque les beaux-arts, centrés sur l’expression sensible du beau. Selon lui, l’art vise à "achever ce que la nature n’a pas pu mener à bien". Cette idée d’imitatio naturae repose sur le concept où l’artiste observe le monde pour le reproduire, le modifier ou en magnifier les qualités.


Certains artistes abordent la nature sous l’angle de la Natura naturata, en s’inspirant directement du monde naturel et ces éléments. L’artiste suédoise Märta Mattsson est un bon exemple pour illustrer cette démarche. En intégrant des éléments organiques réels, tels que des insectes, qu’elle fige dans de la résine et rehausse de paillettes ou de pigments, elle crée des ornements portables, oscillant entre fascination et répulsion. Ses pièces révélent à la fois la délicatesse du vivant et l’artificialité de sa transformation. Par un travail minutieux de recomposition, Märta insuffle une seconde vie à ces fragments de nature en invoquant et modifiant leur essence.

Märta Mattsson. Brooch: Untitled, 2017. Wood, rose quartz, beetle, copper, plastic, resin, lacquer, silver. From series: Frozen Flora.


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De son côté, Mariko Kusumoto s’inspire de la flore et de la faune sous-marines. À travers ses créations textiles, elle cherche à capturer l’esprit et les sensations du vivant, plutôt que d’en reproduire fidèlement les formes. En utilisant de la soie et du polyester, elle exprime les qualités intrinsèques de la nature: légèreté, transparence et fragilité. Son approche dépasse la simple représentation et transforme la nature en une expérience poétique et sensorielle, ouvrant ainsi des dimensions plus abstraites et émotionnelles.


Mariko Kusumoto. Brooch: Sea Creature, 2023. Polyester fabric, brass, gesso. 7.6 x 14 x 14 cm. 


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Et il y a des artistes qui abordent la nature sous une autre perspective, celle de la Natura naturans. L’idée là est d’imiter la nature en tant qu'activité et non en tant que résultat. Il s'agit de chercher à comprendre et à imiter ses mécanismes créateurs, comme si l'artiste devenait un prolongement des forces dynamiques de la nature, et que l'art lui-même était une expression de celle-ci. Contrairement à la nature naturée, qui fixe un résultat, le concept de nature naturante s’intéresse aux processus naturels que l'artiste cherche à imiter, réinventer ou détourner.


Les pièces d'Osian Efnisien, construites couche par couche, illustrent ce concept. En recréant des phénomènes naturels tels que la fusion, l'érosion ou la cristallisation dans des structures organiques faites de minéraux et d'autres matériaux d'origine naturelle incertaine, chaque pièce devient non seulement une reproduction, mais aussi une métaphore des dynamiques naturelles.

Osian Efnisien. Ring: S3R7, 2024. Naturilite, silicate composite.


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L’artiste Marion Delarue cherche à saisir l’essence des processus naturels. Son travail artistique révèle des créations presque vivantes, comme si elles poursuivaient un développement organique. Dans sa série Agates, elle recrée un processus naturel en superposant des fluides riches en silice dans des cavités de porcelaine, mimant ainsi la formation des pierres par l’action lente et successive de la nature. Sa démarche interroge les notions de faux et de copie, proposant des objets à la fois artificiels et authentiques, où les textures naturelles sont parfaitement reproduites offrant une sensation de réalité tout en étant entièrement fabriquées.

Marion Delarue. Bracelet: Green Agate, 2013. Porcelain, glass, glaze and chamotte. From Agate Jewels series.


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Les quelques pièces présentées dans cette première partie entretiennent une ambiguïté soigneusement cultivée entre le naturel et l’artificiel. Cette tension entre pureté et fabrication déstabilise le spectateur et interroge nos certitudes sur ce qui est authentique ou factice. Il ne s’agit pas simplement de tromper l’œil, mais de proposer une réflexion sur le pouvoir créateur de l’homme, capable d’égaler, voire de surpasser la nature elle-même.

Aujourd'hui, l'intervention humaine, grâce aux avancées scientifiques et technologiques, a transformé la nature au point de rendre cette distinction presque obsolète. Dans la deuxième partie, nous présenterons des pièces illustrant cette transition du naturel vers l’artificiel, un thème fréquemment exploré dans le bijou contemporain.